Revoir la vie en rose
La pandémie a eu un effet majeur sur nos vies… et sur notre moral. Il est plus essentiel que jamais de penser positif. Conseils d'experts pour (continuer à) insuffler un air d'optimisme à nos enfants.
TEXTE MARIE BRYON COORDINATION STÉPHANIE GROJSEAN
Les chiffres sont sans appel : un an après le début de la pandémie, 9 Belges sur 10 sont confrontés à des difficultés financières, des troubles psychologiques, une période de chômage temporaire ou une perte d'emploi*. Une morosité ambiante qui inquiète de nombreux parents, soucieux de continuer à faire bonne figure malgré tout, pour ne pas impacter leurs enfants. « Samedi dernier, ma fille jouait à la dînette avec notre voisine, explique Amandine, 37 ans, maman d'Isabeau, 6 ans. J'ai été effarée de l'entendre dire à sa 'cliente' que son restaurant était fermé, que plus personne n'avait de travail et qu'elle ne savait pas comment elle allait nourrir ses enfants… Ça m'a fendu le cœur. Ce n'est pas un discours que devrait tenir un enfant. Mais comment faire pour lui apprendre à voir le bon côté des choses quoi qu'il arrive ? »
*Enquête iVox réalisée auprès de mille Belges francophones entre le 1er et le 8 mars 2021.
La première marche de l'éducation
Même le parent le plus confiant peut être confronté à des circonstances qui ébranlent sa vision positive, reconnaît Alain Braconnier, psychiatre et psychanalyste, auteur notamment de L'enfant optimiste : en famille et à l'école (Odile Jacob). « L'optimisme repose sur une perception de l'avenir plutôt favorable, une capacité d'agir sur les événements et une possibilité de rêver le futur. Ces trois leviers sont plutôt malmenés aujourd'hui, ce qui explique que l'on puisse avoir plus de mal à penser positif. Cela dit, être optimiste signifie pas minimiser ou ignorer ce qui pose problème, mais savoir exploiter avec confiance les forces qui sont en nous pour ne pas se laisser submerger par l'épreuve. Ce qui implique de considérer le défi pour ce qu'il est : un événement précis et momentané. » À cet exercice, les plus jeunes se montrent souvent bien meilleurs que leurs aînés, ainsi que le rappelle le psychiatre. « L'adulte a davantage tendance à généraliser la difficulté et à s'inquiéter à moyen ou long terme, tandis que les enfants et les adolescents s'inscrivent plus dans le présent. Tout l'enjeu consiste donc à les aider à conserver leur optimisme. À mes yeux, il s'agit de la première marche de l'éducation, puisque cette aptitude à prendre la vie du bon côté impacte tout le devenir d'un enfant. »
Un cercle vertueux
Les chercheurs le confirment : l'optimisme est fondamentalement bénéfique pour le développement de l'enfant. Il conduit à une plus grande confiance en soi et en la vie, ce qui diminue le stress et améliore la santé (psychique et physique). L'enfant ou l'ado animé d'un état d'esprit positif est plus à l'aise socialement, se révèle plus performant à l'école, aborde les conflits de façon constructive et se laisse moins décourager par l'échec. « La spirale positive peut alors s'enclencher : de la confiance en soi naît l'estime de soi, source de motivation, de bonheur… et d'optimisme ! », poursuit Alain Braconnier. Un cercle vertueux qui demande un effort conscient, dans la mesure où la tendance innée à l'optimisme n'intervient que pour 25 % dans notre façon d'aborder les événements, comme le précise le psychiatre : « Le reste est déterminé par l'éducation et l'environnement. On a donc le champ libre pour inculquer à nos enfants le goût de la vie... »
Et concrètement, on fait comment ?
Stéphanie Fregapane, psychomotricienne fonctionnelle et relationnelle, livre des clés pour favoriser ce précieux trait de caractère :
À l'écoute des émotions « Commencez par aider le jeune à mettre en mot ses inquiétudes et ses émotions, sans minimiser ni juger. Les enfants et les ados ont besoin d'écoute, mais aussi d'explications vraies et concrètes, les plus rassurantes possible. »
Un autre regard « Après avoir validé ses préoccupations, amenez votre enfant à réaliser qu'il y a du positif dans tout. Attardez vous sur les opportunités concrètes créées par la crise : la qualité de l'air s'est améliorée, votre cadette s'est découvert un nouveau hobby et votre ado est exempté de faire la bise à tonton Gégé – un peu d'humour étant toujours bienvenu. Stop au catastrophisme : il y a tant de belles choses en dehors de cette bulle covid dans laquelle nous avons enfermé notre esprit ! »
Toujours en progrès « Les enfants développent leur estime de soi – et donc leur optimisme – au fil de leurs victoires. Donnez au vôtre des responsabilités à sa hauteur et reconnaissez ses efforts autant que ses réussites. Analysez avec lui les stratégies et qualités qu'il a déployées afin qu'il puisse les mobiliser à nouveau à l'avenir. Et s'il 'rate' quelque chose, rappelez-lui que c'est une étape nécessaire, une progression vers l'objectif. Invitez-le à diviser sa tâche en étapes et montrez-lui que vous êtes fier de son travail. »
Économie d'énergie « Une façon de sortir du sentiment d'impuissance consiste à choisir ses batailles. Apprenez à votre enfant à discerner – et accepter - les choses sur lesquelles il ne peut pas agir pour déployer son énergie sur ce qu'il est en mesure d'influencer. Enseignez-lui le lâcher-prise»
Retour sur scène « Après cette année sans réelles perspectives, aidez votre enfant à redevenir acteur. Il pourrait, par exemple, faire les courses pour le voisinage, réparer son vélo, faire davantage d'activités physiques... L'idée étant qu'il puisse s'investir dans une activité qui fasse sens et renforce son sentiment d'efficacité personnelle. Se fixer un objectif lui permettra en outre de réaliser que les choses ne sont pas figées dans la vie, même si tout semble un peu à l'arrêt depuis un an. »
À titre d'exemple « Si vous êtes du genre à voir le verre à moitié plein, il est fort à parier que votre enfant fonctionnera de la même manière. Vivez pleinement le moment présent, prenez plaisir à ce que vous faites, multipliez les activités qui vous mettent en joie, persévérez avec confiance en cas d'échec, lancez-vous des fleurs chaque fois que vos efforts ont payé et faites preuve de gratitude chaque fois que la vie vous fait des petits cadeaux... »
Les haricots magiques : petit exercice pour s'entraîner à se focaliser sur ce qui va bien.
Chaque matin, glissez 10 haricots secs dans votre poche gauche. Chaque fois que quelque chose de bien se produit dans la journée, transférez un haricot dans votre poche droite. À la fin de la journée, faites le bilan : si tous les haricots n'ont pas changé de poche, il est probable que vous manquiez de pratique… Avec un peu d'entraînement, ce mode de pensée devrait faire partie de vos automatismes.
ALLER PLUS LOIN
Mes pensées positives et MOI, Stéphanie Fregapane (voir jesuismoi.be).L'enfant optimiste : En famille et à l'école, Alain Braconnier, éditions Odile Jacob. 50 exercices pour rebondir grâce aux émotions positives, Marilyse Trécourt, éditions Eyrolles.